~1er trimestre 2022~

Quand le seigneur se mêlait d’éducation

Des membres de notre Association mènent actuellement des recherches sur le sujet de la revue 2022 : l’histoire de l’école à Ribeauvillé. En voici un petit aperçu particulièrement instructif !

En 1722, le Conseil du comte Birkenfeld-Deux Ponts promulgue le seul règlement resté dans les archives ; en voici de larges extraits :

1) Chaque maître doit toujours se référer à ses supérieurs, ecclésiastiques ou temporels, les respecter, leur obéir et suivre scrupuleusement leurs instructions, pour tout ce qui concerne l’information sur la vraie foi catholique, les bonnes mœurs, les connaissances en lecture et en écriture nécessaires à la jeunesse.

2) Dans sa vie privée et surtout en présence des élèves, le maître doit mener, en toutes choses, une vie vertueuse, respectable, pieuse et irréprochable, avoir une conduite édifiante, éviter tout scandale et montrer le bon exemple à la jeunesse. En cas de désobéissance, de paresse ou de méfait, il ne doit pas punir ses élèves dans un accès de colère ou d’impatience, ni les frapper de ses poings ou leur tirer les cheveux, encore moins leur taper sur la tête, mais utiliser la verge sans excès und mit Maniére[1] (et s’il y a des filles, les séparer des garçons).

3) Le maître doit faire en sorte que tous ses élèves viennent en classe, été comme hiver, le matin de sept heures à dix heures et l’après-midi de midi à trois heures et qu’ils y restent le temps voulu, qu’ils s’appliquent à faire leur prière et à chanter les cantiques avec recueillement. On ne doit pas leur permettre d’aller et de venir pendant les cours, afin qu’ils ne perdent rien de ce qui est enseigné. Si les excuses invoquées ne sont pas valables, l’élève doit être puni par des coups de baguettes ou d’une autre manière ; les plus jeunes devront néanmoins bénéficier d’une certaine mansuétude.

4) Lorsque les enfants sont rassemblés, chacun doit reciter avec ferveur, avant et après la classe, la prière apprise jour après jour (…). Il veillera à ce que ses éleves soient appliqués ; il interrogera les débutants en lecture deux fois par jour. Il enseignera et contrôlera l’orthographe aussi souvent que nécessaire ; chaque jour, l'élève fera ses lignes avec soin. Après la classe, le maître consignera le travail effectué au cours de la journée et du mois ; avec pour preuve sa signature, ce qui évitera les plaintes.

5) Si le maître ou ses remplaçants envisagent de faire lire aux éleves un livre ou une brochure, qu’i1s soient de nature spirituelle on profane, l’ouvrage devra être vu et approuvé auparavant par le curé concerné.

6) Le maître devra veiller aussi à ce que ses éleves, qu’ils soient riches ou pauvres, grands ou petits, de la cité ou des environs, ne portent rien d’inconvenant, qu’ils n’échangent pas de cadeaux, qu’ils ne fassent ni troc ni commerce d’argent. Il fera attention à ce qu’ils ne se moquent pas les uns des autres, qu’ils ne se méprisent pas, qu’ils ne se battent pas, qu’ils jouent sans tricher, comme cela pourrait arriver.

A l'école, les garçons respecteront le maître tout comme à la maison, tout comme à l'église, dans la rue, ils témoigneront de la déférence à leurs parents, aux prêtres, aux personnes âgées, hommes ou femmes.

A la sortie de l’école et dans la rue en général, ils éviteront de crier, de courir et de se livrer à tout comportement obscène.

Le maître surveillera livres et chants afin qu’aucun écrit hérétique, suspect, obscène, coquin ou fâcheux ne tombe entre leurs mains. Il s’efforcera non seulement de faire progresser leurs connaissances, mais les fera grandir aussi sur le plan moral, dans la discipline et l’honneur. Ceux qui se rendront coupables de mauvaise conduite, devront être punis comme il se doit et s’il se trouve l’un ou l’autre récalcitrant, qui, contre tout espoir, persévère dans ses mauvaises mœurs et ses vices, on le signalera aux autorités, afin qu’il soit exclu de l’école, telle une brebis galeuse qu’on isolerait du troupeau.

Tout élève, grand ou petit, qui entre en classe, ôtera son chapeau avec respect en guise de salut. (…)

7) Pour son enseignement conforme et son travail consciencieux, le maître recevra le traitement mérité, selon les usages en vigueur dans chaque commune (…)

8) A Pâques, à la Pentecôte, à Noël et à l’occasion des autres fêtes de l’année, les enfants n’auront pas d’autres vacances que les jours fériés en question. Le Jour des Morts et le Mercredi des Cendres ils n’iront en classe que l’après-midi.

Les maîtres ne donneront pas trop de vacances, ni à Carnaval ni pendant la canicule.

  • Durant les semaines comportant un jour férié, il y aura deux heures de classe l’après-midi, hormis le jeudi après-midi (…).

 Vous avez dit « réchauffement » ?

L’Histoire a conservé les dates des hivers particulièrement rigoureux qui ont eu des répercussions sur la vie politique, sociale et économique de notre région. Les archives du Cercle conservent un document donné par Adeline et Lucienne Hauser en octobre 2009. Il s’agit d’un volume (année 1889) rassemblant plusieurs numéros de la revue bilingue Der Wanderer im Elsass - Le Touriste en Alsace qui a paru quelques temps à parti de mars 1888.

On y trouve un relevé des périodes de froid les plus marquantes telles que relevées dans les archives de divers monastères notamment celles des dominicains de Colmar.

356 : en janvier, froid particulièrement vif ; le Rhin gèle, les « barbares » germaniques de Clodomaire en profitent pour traverser le fleuve à « pied sec » et s’emparer de Strasbourg ainsi que de la forteresse romaine, Augusta Tribocorum (Brumath).

566 : hiver particulièrement long ; neige abondante pendant plusieurs mois. L’intensité du froid fait périr hommes et animaux.

608 : l’hiver est tellement froid que la plupart des vignes sont gelées et détruites.

763 : autre hiver terrible par sa durée du 1er octobre jusqu’à la fin février.

764 : de nouveau un hiver particulièrement rude, les oiseaux tombent morts sur la terre et certains sont gelés dans leurs nids en couvant.

780 : froid terrible.

821 : hiver précoce (novembre) avec un froid très vif. Toutes les rivières sont gelées, les chariots lourdement chargés peuvent traverser en toute sécurité.

824 : la neige couvre la terre dès septembre pour 29 semaines provoquant la mort de nombreuses personnes et animaux.

832 : hiver extraordinaire.

860 : gelée et neige de novembre à avril 861. Toutes les rivières sont gelées.

880 : hiver très long et très froid. Le Rhin est gelé plus de 2 mois ; on le passe à pied, à cheval ou en voiture.

964 : froid du 15 novembre jusqu’au-delà du mois de mai (dernière gelée le 12 juillet).

975 : hiver très long et très rigoureux. Hommes et bestiaux souffrent de la grande quantité de neige tombée en décembre et en janvier.

988 : la rigueur du froid détruit toutes les semailles.

1063 : mi-avril, froid intense accompagné de vent et de neige, faisant périr animaux et oiseaux et geler les vignes.

1074 : les rivières gèlent jusqu’au fond.

1076 : neige abondante suivie d’un froid intense.

1100 : arbres et ressources gèlent entraînant une profonde misère.

1124 : hiver particulièrement rigoureux avec alternances de pluie, de gelée et de neige de décembre à février. Nombre de femmes et d’enfants succombent au froid.

1126 : tous les produits de la terre sont détruits par le froid, d’où une disette faisant mourir de faim plusieurs milliers de personnes. Les animaux domestiques s’entredévorent.

1188 : épisode de froid soudain en mai et juin.

1204 : les rivières sont gelées et le froid est le rigoureux de mémoire d’habitants.

1223 : hiver long et rigoureux détruisant les semailles entrainant, l’été suivant, une grande disette.

1224 : hiver très long d’octobre à la fin avril.

1268 : le froid dura jusqu’à la Saint Urbain (25 mai) et il n’y a donc pas de récolte de vin.

1272 : froid particulièrement intense à Ribeauvillé, le Saint Sacrement gela à Noël.

1278 : de nouveau des gelées jusqu’à la Saint Urbain, les vignes sont toutes gelées.

1279 : 19 mai, gelées frappant tous les arbres fruitiers.

1288 : en mars, le Rhin gèle en deçà de Bâle. Le vin gèle dans les calices et dans les vases.

1292 : froid particulièrement vif à la Chandeleur faisant geler le Rhin que l’on peut traverser avec des charrois.

1294 : froid intense le 17 février, les arbres se fendent, les poissons gèlent dans les eaux et bon nombre de gens périssent de froid.

1297 : hiver particulièrement doux ; des roses fleurissent dans le jardin du couvent des dominicains à Colmar.

1303 : froid vif en février entraînant la mort de nombreuses personnes.

1334 : gel des vignes.

1363 : gel du Rhin en décembre, la glace peut supporter des poids « des plus considérables ». Dans beaucoup d’endroits, la glace perdure jusqu’à la Pentecôte.

1364 : hiver cité comme un des plus rude. Le froid fend les arbres par le milieu.

1407-1408 : grand hiver. Le froid dure 12 semaines, le Rhin est gelé de Strasbourg à Cologne (que l’on peut relier en charrois). Le vin gèle dans les caves.

1442 : froid violent de la Sainte Catherine (25 novembre) jusqu’en avril.

1476 : le Rhin gèle fortement en décembre. Au siège de Nancy, 400 hommes de l’armée de Charles le Téméraire moururent de froid la nuit de Noël.

1513 : tous les fleuves européens sont pris par la glace.

1554 : le Rhin est gelé durant deux mois à Strasbourg.

1565 : abondance de neige à Strasbourg ; on relève 7 pieds de hauteur (environ 2,5 m !)

1598 : froid intense faisant geler le vin dans les caves et doit être coupé en morceaux à la hache pour la vente !

1603 : à Noël il fait aussi chaud qu’en été.

1607-1608 : jour de l’an le plus rigoureux de mémoire d’homme. Beaucoup de gens meurent de froid. Un individu, venant de Sainte-Marie-aux-Mines, arrive mort sur son cheval à Ribeauvillé. A Colmar le vin gèle dans les caves et fait éclater les tonneaux.

1784 : en janvier, en une journée, il tombe plus de quatre pieds de neige (1,2 m)

1789 : hiver le plus rigoureux du siècle. Soixante jours le froid fut intense suivis d’un épisode neigeux important (20 pieds (6 m) par endroit). De nombreuses maisons sont emportées par des avalanches dans la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines. Un grand nombre de personnes périssent de froid, de faim ou de misère. Cet épisode hivernal douloureux fut l’une des causes de la Révolution française.

Règlements de police de la seigneurie en 1720

« Le nouveau règlement de police, édictée ce jour, sera lu en lieu public, avec prestation de serment de tous les sujets.

Il est interdit, sous peine d’une amende de 5 florins, d’héberger plus de 24 heures toute personne étrangère à la Seigneurie qui n’aurait pas sollicité auparavant accueil et protection auprès de la chancellerie.

Toute personne désirant quitter la Seigneurie pour s’établir ailleurs doit être libre de toute dette.

Quiconque se permet de traiter son semblable d’adultère, de meurtrier, de Guckguck[2], de voleur, de brigand, de loqueteux, de vaurien, fripon ou menteur et s’il se met à jurer en disant « que le diable t’emporte » ou que « la grêle te terrasse », sera passible d’une amende de 2 florins.

Pour que des mots tels que rustre, nigaud, grossier personnage, fanfaron, l’amende sera limitée à 1 florin.

Ces amendes seront aussi infligées aux femmes pour injures et outrages, lorsqu’elles se prennent par les cheveux, qu’elles se griffent et se donnent des coups. Elles seront tenues à des excuses publiques. Il en sera de même pour quiconque aura, lors d’un différend, griffé, frappé, pincé, déchiré des habits ou mordu. Si une telle personne a mordu jusqu’à couper un doigt en deux, elle paiera en plus pour le barbier (le chirurgien).

Celui qui frappe son prochain avec ses poings, un gourdin, un bâton ou tout autre instrument provoquant des bleus, mais ne frappant pas à sang, qui le roue de coups de pied et le jette au bas d’un escalier, est passible d’une amende de 3 florins. S’il y a coup de couteau, le coupable sera mis au cachot, au pain et à l'eau.

Tout sujet rencontré, après 9 heures en hiver et 10 heures en été, en train de se disputer, de crier et faire du tapage dans les rues paiera 3 florins. Celui qui tire le couteau ou l’épée paiera 5 florins de même que celui qui fait feu sur quelqu’un paiera 10 florins. Pour avoir pêché dans les étangs et ruisseaux, la sanction sera une amende ou le carcan.

Aux débitants de vin et de bière, il est interdit de tolérer que des bourgeois, manants, jeunes gens ou compagnons s’attardent dans leur établissement au-delà de 10 heures du soir. Sous peine d’une amende de 10 florins, ils sont tenus de veiller à ce que leurs clients quittent leur débit à l’heure indiquée.

Tout projet de construction, que ce soit maison d’habitation, grange ou écurie, doit être soumis, avant sa réalisation, aux autorités.

L’alignement des bâtiments le long de la rue doit être respecté. Le droit d’égout et de vue ne doit pas être entravé. Les cheminées doivent être de bonne qualité et aucune toiture ne sera couverte de chaume.

Il est strictement interdit de fumer le tabac dans les granges et les écuries, et tout lieu où l’on travaille le chanvre et le lin.

Les tas de fumier sont interdits devant les maisons. Tout contrevenant est soumis à une amende de 3 florins. »

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[1] Sans  excès et avec manière (Voici un bel exemple du mélange de langues pratiquées en Alsace, français, alsacien, allemand !!!).

[2] Voyeur.

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