Histoire de Ribeauvillé

En préambule, quelques rappels sur l’orthographe :

Rappelons que l’orthographe n’est véritablement fixée qu’à partir des XVIII et XIXe siècles. A fortiori, l’écriture des noms et des prénoms est fortement marquée par les époques, la prononciation du locuteur et l’habileté scriptural de « l’écrivain » (avec les erreurs d’écriture et de lecture qui vont de pair). Ceci est particulièrement marqué en Alsace où se confrontent deux langues (français et allemand) et deux écritures (caractères latins ou romains et caractères gothiques (gebrochene Schrift).

Ainsi, nous rencontrons souvent des variantes en fonction des archives et des auteurs consultés : Ribaupierre et Ribeaupierre (voir ci-dessous) – Ribauvillé et Ribeauvillé – Caspar  et Gaspard [de Ribeaupierre] – Eguénolphe et Egenolf [de Ribeaupierre]  - Cuno et Cunon [de Ribeaupierre] …

 Orthographe de Ribeaupierre et de Ribeauvillé :

Lorsque l’on consulte les textes antérieurs au XXe siècle¹, on trouve - à quelques exceptions près - ces deux mots écrits respectivement Ribaupierre et Ribauvillé.

D’où vient cette mutation orthographique ?

On verra dans la chronologie ci-dessous, l’évolution des toponymes qui ont désigné notre cité. Aucune de ces appellations ne permet d’expliquer la mutation du au en eau. D’après certains auteurs², l’écriture « eau » serait plutôt issue de la racine latine « ellum » ou « el » : ce qui n’est donc pas le cas ici.

L’éditeur des Recherches sur l’histoire de la ville de Ribeauvillé de Bernard Bernhard, dans son  Avertissement - placé en tête de l’édition originale de 1888 - s’excuse en ces termes :

« Parmi les libertés que l’éditeur a dû prendre avec le texte, celle que plus d’un lecteur lui pardonnera (…) le moins, c’est d’avoir changé l’orthographe usuelle des noms de Ribauvillé et de Ribaupierre. Assurément aucun philologue n’aurait tiré Ribeauvillé ou Ribeaupierre des formes primitives de Ratbaldo villare, de Ratpoldesvillare ou de Rapoldestein. »³

Mais, quelque soit l’aura de Bernard Bernhard, cela ne suffit pas à expliquer cette mutation sémantique. A ce jour, rien ne permet de l’expliquer, si ce n’est une erreur d’un quelconque tabellion qui se sera perpétuée ….

L’erreur orthographique a perduré depuis la fin du XIXe / début du XXe siècle : l’usage actuel est d’écrire Ribeaupierre et Ribeauvillé. Nous le suivrons et écrirons donc Ribeaupierre et Ribeauvillé.

On est également en droit de se demander pourquoi cette forme Ribeauvillé a prévalu sur :

  • la logique qui voudrait qu’on écrive Ribauviller (en suivant la racine latine villare) ;
  • l’utilisation du nom d’origine germanique Rappoltsweiller (et ses variantes) ;
  • l’utilisation du nom en Alsacien : Rappschwihr.

Sources :
1  Les seigneurs de Ribaupierre en Alsace et en Suisse, E. Meaume–Mémoires de la Société d’archéologie Lorraine–3e série, vol. 1–Nancy, 1873–pp 337 à 429.
   Recherches sur l’histoire de la ville de Ribeauvillé – Bernard Bernhard – Colmar, 1888.
2  Maurice Grévisse, Le bon usage – grammaire française – Paris, 1949.
3  Dans la réédition de 1988, l’orthographe Ribaupierre et Ribauvillé
 a été rétablie.
 

   

Cloche de la Tour des Bouchers, Ribeauvillé,
              crédit photo : Louis Kempf

Les origines de Ribeauvillé

On trouve des traces d’occupation humaine dans la région de Ribeauvillé qui remontent au moins à l’époque néolithique (- 6000 à – 2200), puisque des haches datant de cette période ont été retrouvées.

L’âge de bronze (– 2200 à – 800) a également laissé des vestiges. En effet, des campagnes de fouilles (fin des années 1960) ont permis de mettre au jour de nombreux vestiges provenant vraisemblablement d’un habitat (cabane sise à l'arrière d’un rocher et supportée à l'aval par des pilotis) : tessons, masses d’argiles provenant d’un torchis, un poids de tisserand et une fusaïole (petit objet conique ou discoïde, percé d'un trou central destiné à recevoir l'extrémité du fuseau auquel il sert de contrepoids, lors du filage).  La céramique est lisse sans décor, mais quelques tessons portent des chevrons et cannelures, caractéristiques de la période du Bronze Final III. D’autres découvertes ont été faites sous la forme d’une petite hache en pierre polie à section rectangulaire et tranchant rectiligne, ainsi que d’une petite gouge à section trapézoïdale.

Plus près de nous, des poteries anciennes de l'époque de la Tène celtique (- 450 à -25 ; apogée de la civilisation celtique), avec notamment un magnifique vase, actuellement exposé dans une vitrine de la salle des Gobelets.     

Enfin, l’occupation romaine est signalée par la découverte – entre autres – d’une pièce d’or romaine,  à l'effigie de l'empereur Adrien (76 / 138 après J. C.  ; mise au jour en 1745) et d’une autre pièce, en bronze et à l’effigie de Marc Aurèle (121 / 180 après J. C. ; mise au jour à la fin du XIXe siècle). Ceci permet donc d’avancer l’hypothèse d’une présence romaine à cette époque (voie pavée bordée de « villae », sortes de domaines agricoles).  

D’après les spécialistes, Ribeauvillé doit son nom à une ancienne villa gallo-romaine située à l’est de la ville, dont le propriétaire se serait appelé Ratbold, Ratbald ou Ratpold. Cet embryon d’habitats concentrés autour d’une villae  aurait eu pour nom Ratbaldovillare.

496 : un document de 768 (nos sources ne précisent pas plus ! est-ce celui cité ci-dessous ?) nomme Ratbertovilare. Cette appellation viendrait du nom de Ratbert, Rabald ou Ratpold, chef des Francs qui reçut, ici, au moment du partage des terres par Clovis en 496, sa part de butin. Avec l’apport de nouvelles populations, la villa qui se trouvait sur la rive gauche du Strengbach devient hameau puis cité. La tour de garde romaine, établie sur les hauteurs, est transformée en forteresse des Rappolt.

759 ou 768 (selon les sources) : un document écrit précise qu’un nommé Sigfrid, comte du  Sundgau ou de la Haute Alsace, cède à son fils Altmann, tous les biens qu’il possède entre Rhin et Vosges, l’énumération mentionne un lieu nommé Ratbaldovillare (la villa de Ratbold). Ce personnage, dont on ne sait rien, devait être important pour que sa trace ait traversé les siècles.

768 : un acte du roi Pépin le Bref, mentionne qu’un certain Widon fait donation de tous ses biens situés en Alsace et notamment de ceux situés à Ratbertovillare (ou Rasberto-Villare)  à l’Alsacien Fulrad, abbé de Saint-Denis et chapelain du roi. Quel fut le premier seigneur de ces lieux ? Peut-être les comtes d’Eguisheim, issus des ducs d’Alsace et de Souabe.

777Radberto-Villare ; 778 : Rabaldo-Villare

896 : on relève les noms de Ratpoldes wilare et Rutpoldes-Villare pour Ribeauvillé.

Ribeauvillé et les Ribeaupierre au XIsiècle

Henri II revendique les terres de Ribeaupierre par droit héréditaire des anciens ducs d’Alsace et de Souabe. C’est vraisemblablement une terre amenée en dot par Adélaïde d’Eguisheim qui a épousé Hezilon, duc de Franconie, père de Conrad II le Salique. Aux environs de l’an 1000 se dressait à l’emplacement de l’actuelle église un modeste sanctuaire dédié à Saint Grégoire. Les Annales parlent d’une « altkilche zu Rapoltzwihr ».

1030 : Bernard Benrhard se fait l’écho des chroniqueurs des XVIe et XVIIe siècles : « Sous le règne de l’empereur Conrad II, vers l’année 1030, deux frères selon les uns, trois selon les autres, descendants de l’antique maison des Ursini et ducs de Spolète, furent contraints de s'exiler de l’Italie et vinrent, sous la protection impériale, s’établir en Allemagne, l'un d'eux y fonda la maison et construisit le château d’Urslingen dans la Souabe en conservant son titre de duc, le second fut la souche des comtes de Weinsberg, le troisième, nommé Rochus, se contentant du titre de seigneur acheta un domaine dans la haute Alsace, y construisit un château et, en souvenir de sa ville natale, appela ce château la Roche Spoletine, devenue ensuite par corruption Rappolsteinz. »

1038 : un seigneur local du nom de Reginbold (ou Reinbold) serait le représentant d’une première lignée de seigneurs de Ribeaupierre. Il bénéficie de la haute protection de l’empereur Conrad II qui l’installe dans le fief pour fonder une nouvelle seigneurie d’empire. La dernière représentante de cette famille, Emma, va épouser l’un des fidèles de l’empereur, Eguenolphe de Urslingen (fondateur « officiel » de la lignée des Ribeaupierre).

1039 – 1056 : des actes indiquent que, dès le règne de Henri III, la terre [de Ribeaupierre] forme une propriété de famille de la maison impériale de Franconie.

1077 : querelle des Investitures, les évêques de Strasbourg et Bâle soutiennent l’empereur et l’église perd peu à peu toutes ses possessions lors du conflit qui oppose Henri IV à Rodolphe de Souabe-Alsace. A la fin du conflit, en 1084, Henri, pour les dédommager de leurs pertes, fait donation perpétuelle aux évêques de Bâle, d’une terre appelée Rapoldestein ; cette donation mentionne un château de haute Ribeaupierre, fief d’empire (appelé aussi Gross Rappolstein, Ulrichsburg) qui devient château tutélaire des sires de Ribeaupierre ; il y a souvent une confusion sur l’origine de ce nom : il s’agit, en fait, du château d’Ulrich Ier d’Urslingen puis de Rappoltsein (cité en 1186 – 1193). C’est le plus majestueux et le plus impressionnant des châteaux ; à cette époque, le « Gross Rappolstein » n’est encore qu’un donjon fortifié par une enceinte en bois.

1084 : on note les noms de Rupispoleta et de Rapoldestein.

1114 : l’empereur Henri V reprend ses possessions. Certains écrits citent Castrum Raboldstein.

 

                                   Le Saint-Ulrich au XIe siècle (partie hachurée)

 

Ribeauvillé et les Ribeaupierre au XIIe siècle

Un texte de 1450 signale que deux « frères de grande noblesse, princes de Spolète, furent chassés par les Romains et arrivèrent en Germanie en 1144. Ils s’installèrent à Urslingen en terre Souabe et eurent le titre de duc d’Urslingen par la grâce de l’empereur Conrad III de Hohenstauffen ». En 1157 à la mort de Reginhard, dernier seigneur de Ribeaupierre, l’évêque de Bâle, investi du fief par l’empereur Frédéric Barberousse, confie la seigneurie à un noble souabe protégé par les Hohenstauffen, Eguenolphe de Urslingen qui épouse la dernière descendante de la première branche des Ribeaupierre. Le nouveau seigneur reprend le nom de Ribeaupierre. On ne connaît pas grand-chose de ses descendants jusqu’au milieu du siècle suivant.

Le Haut Ribeaupierre a été construit sur l’emplacement d’un ancien oppidum romain, mais son plan d’ensemble daterait du XIIe siècle.

Il n’a pas été fief de l’évêché de Bâle (comme le Saint Ulrich), mais de celui des évêques de Bamberg.

Au cours de son histoire il a eu plusieurs dénominations : « altum castellum », « Altenkastel », « Château supérieur », « Haut Ribeaupierre ».

Il a souvent été l’enjeu de partage successoral : le Grand Ribeaupierre revenant à l’aîné, et le Haut Ribeaupierre à l’un des frères.

 

                                                       Le Saint-Ulrich au XIIème siècle (partie hachurée)
  

En 1162 : Frédéric Barberousse fait donation du Saint Ulrich aux évêques de Bâle. Ils en sont officiellement propriétaires, mais le confie, à titre de fief héréditaire, à Eguenolphe de Urslingen, fondateur de la seconde dynastie des Ribeaupierre. Ribeauvillé est déjà subdivisée en deux « quartiers » : l’un appartenant aux Ribeaupierre, l’autre à l’évêque de Bâle. Il semblerait qu’il y ait déjà, à cette époque, un embryon de fortifications vraisemblablement composées de simples palissades en bois flanquées de terrasses.

On trouve le terme de Raprechtswilare dans les textes.

1163 : construction du “Pfifferhus”.

 

Ribeauvillé et les Ribeaupierre au XIIIe siècle

Le Girsberg est le plus petit, mais le plus audacieux des trois châteaux. Son architecture du XIIIe siècle a une visée purement défensive avec son donjon pentagonal protégeant le corps de logis.

Les Ribeaupierre acquièrent le château de Zellenberg qui se trouve en prolongement des fortifications urbaines protégeant la cité. Construit par les sires de Horbourg, il sert de douaire aux veuves des seigneurs (Imagina de Linange, Anne Alexandrine de Furstenberg…). Mais il constitue également, avec le château de Guémar, une pièce de la défense de la seigneurie.


Premier site de l’ermite du vallon du Dusenbach

 
1204 : Eguenolphe de Ribeaupierre participe - d’après la légende - à la quatrième croisade sous la bannière de l’évêque. Mais cette dernière est détournée au profit des Vénitiens qui mettent à sac Byzance. Les seigneurs s’emparent des biens, notamment des reliques et autres objets de piété. Eguenolphe, pour sa part, se serait emparé d’une statue de la vierge et, de retour dans son pays, aurait fait construire une première chapelle dans le vallon du Dusenbach (à côté de l'ermitage existant) pour y déposer la précieuse relique.
 
  
 Dusenbach, 1ère chapelle de 1204
 
La réalité historique serait tout autre : en 1218, Eguenolphe aurait participé avec d’autres nobles de l’Empire, à la cinquième croisade, dite « des Hongrois » ; arrivée en mai devant Damiette dont l’armée chrétienne fit le siège pendant un an. Mais, après la prise de la ville, l’armée croisée fut défaite à Mansourah en 1221 et Eguenolphe subit de lourdes pertes dans ces combats. Lors de son retour à Ribeauvillé, il fait construire, dans le vallon du Dusenbach, une chapelle dédiée à la Vierge, pour la remercier de l’avoir protégé des dangers. La tradition rapporte qu’il fut inhumé dans cette chapelle deux ans seulement après son retour. Cette chapelle connut très vite une grande ferveur populaire.
 
En 1260, les deux frères Ulric II et Henri Ier, neveux d’Eguenolphe, font ériger une seconde chapelle (chapelle des Grâces) à côté de la précédente.          
  

Dusenbach, 2e chapelle de 1260

D’après la Chronique des Dominicains de Colmar une nouvelle église fut construite. On édifia d’abord la base du clocher et le chœur primitif entre 1260 et 1282. Il n’y pas de trace écrite concernant la progression des travaux après cette date.

Entre 1220 et 1280 : des donations pour services rendus à l’empereur, des rachats ou des dots de mariages permettent à la seigneurie de s’agrandir de plusieurs fiefs d’un riche revenu, relevant des abbayes de Murbach, des ducs de Lorraine ou de l’Empire. Par un jeu d’unions matrimoniales, les Ribeaupierre deviennent ainsi cousins germains de Rodolphe de Habsbourg, futur empereur. Les seigneurs surent également s’allier à de puissantes familles nobles de la région : les ducs de Lorraine, le comte de Horbourg … Ils participent aux grandes expéditions militaires de l’époque : Jean Ier a soutenu le dernier des Hohenstauffen, Constandin, et meurt à la bataille de Tagliacozzo en 1268. Les trois frères, Ulric IV, Hermann et Anselme II prennent fait et cause pour Rodolphe de Habsbourg. Ils servent sous ses drapeaux et participent à la bataille décisive de Marchfeld qui oppose Rodolphe à Ottokar, roi de Bohème. Ils seront largement indemnisés en marcs d’argent et honorés de deux visites de l’empereur à Ribeauvillé même (1280 et 1284).

1274 on peut relever le nom de Rabbapierre.

1280 : les travaux de construction de la Tour des Bouchers commencent quatre ans avant l’octroi officiel d’un droit à construire des remparts. Elle doit son nom « Metzgerturm » à la présence d’un abattoir à proximité. La construction primitive mesurait 15 m. de hauteur.

Le terme de Rappoltziller apparait dans les écrits, puis celui de Rapalzwir en 1282.

1284 : lors de sa visite, l’empereur Rodolphe de Habsbourg concède, par charte impériale, le droit d’entourer la commune de remparts. La même charte précise que Ribeauvillé est subdivisée en quatre quartiers : Niderstadt (ville basse), Altstadt (vieille ville), Nuwestadt (ville moyenne ou ville neuve), Oberdorf (ville haute).

1287 : la Altstadt est ceinte de remparts flanqués de tours et de fossés.

La fin du XIIIème siècle vit un conflit de succession entre les deux frères Anselme II et Henri II de Ribeaupierre, ainsi que Henri III leur neveu (fils de Ulric V) dont Henri II était tuteur. Anselme II - qui s’était emparé de la majeure partie de la succession de Ribeaupierre - refusa de partager avec son frère puîné et son neveu et chasse même Henri II du château inférieur de Ribeaupierre qu’il occupe.

Ce dernier fit appel à l’empereur Rodolphe de Habsbourg, qui essaya, en vain, de faire entendre raison à Anselme : il répondit que « partager avec son frère et son neveu serait se réduire lui-même à l’indigence ». L’empereur demanda alors à son landvogt, Hartmann de Baldeck, de se mettre à la tête des habitants des villes impériales, Colmar, Kaysersberg et quelques cités voisines, pour aller forcer Anselme dans son château de la Haute Ribeaupierre. En mai, la troupe ouvrit les hostilités en incendiant Bergheim (encore cité ouverte) propriété des Ribeaupierre, détruisant les récoltes et arrachant les vignes avant de faire le siège du château. Mais Anselme, très aguerri à ce genre de guérilla résista. Au bout d’une semaine les troupes urbaines abandonnèrent. Délivré des assiégeants, mais redoutant le courroux de l’empereur, Anselme alla trouver les seigneurs voisins et, moitié par prière, moitié par menace, les décide à ne pas prendre parti contre lui.

Un seul refuse sa neutralité, Burkard de Horbourg, l’éternel rival des Ribeaupierre. Anselme l’attaque à l’improviste et ravage ses terres. Le noble de Horbourg et les bourgeois de Colmar se plaignent à l’empereur Rodolphe qui vient en personne faire le siège de la haute Ribeaupierre, sans plus de succès. Il change le siège en blocus. Mais Anselme mène des razzias dans les villages environnants (Sigolsheim, St Hippolyte et même Benfeld) pour ravitailler le château et échanger les prisonniers ; les autres seigneurs ripostent et s’emparent des villages de Zellenberg et de Guémar. Les hostilités cessent en avril 1288 lorsque l’archiduc Albert, fils de Rodolphe et landgrave de Haute-Alsace, vient à Colmar pour lever une armée dans le dessein de marcher sur le comté de Montbéliard et sur la Bourgogne. L’empereur impose la paix et pardonne à Anselme sa rébellion qui est alors forcé de partager les biens.

Il existe déjà un premier château en bois à Guémar. Il appartient aux sires de Ribeaupierre depuis le 13ème siècle. Ce bourg est stratégiquement bien placé, sur le grand axe qui relie Strasbourg à Colmar et sur le chemin entre Ribeauvillé et le Rhin en passant par Illhaeusern, point d’embarquement sur l’Ill et au coeur d’une réserve cynégétique.

En 1288, Anselme s’arroge le droit de battre monnaie. Il ne laisse pas un bon souvenir, ayant la réputation d’être avare et violent ; il écrase la population d’impôts et de charges. On ne retient de lui qu’une action positive : la protection du couvent des Unterlinden - doté de nombreux biens par son père – notamment en acceptant toutes les demandes faites par sa sœur, religieuse dans ce couvent.

1290 : Rappoltsweiler devient une ville dont les sires de Ribeaupierre possèdent la moitié comme alleu (héritage libre de tous devoirs féodaux) et l’évêque de Bâle l’autre moitié.

1291 : Hermann de Ribeaupierre édifie un premier château en pierre à Guémar. Mais celui-ci ne résiste pas à l’attaque de Cuno de Bergheim qui l’assiège et le rase en 1293.

1296 : Anselme reconstruit le château de Guémar, qui sera incendié par Adolphe de Nassau dès 1298. Jean III le reconstruit et entoure la ville de murs et de fossés.

Vers 1297, Anselme II, petit-fils d’Ulric II, rajoute une troisième chapelle à Dusenbach.

La légende rapporte qu’Anselme, appelé le Téméraire, poursuivant un cerf dans le vallon, arrive soudainement à l’extrémité d’un rocher ayant plus de 40 pieds de hauteur ; poussé par la meute, le cerf franchit l’abîme, mais le seigneur ne peut retenir son cheval. Il tombe au bas de la falaise sans même se blesser. Ce serait pour avoir échappé à ce mortel danger qu’il aurait décidé de remercier la Vierge en construisant la troisième chapelle. (le rocher porte encore le nom du Saut du Cerf, Hirzensprung).
      
Les historiens donnent une autre version des faits. Batailleur et frondeur, Anselme, de concert avec le prévôt Walter Roesselmann, a soulevé la ville de Colmar contre l’empereur Adolphe de Nassau en 1293. Ce dernier fait le siège de Ribeauvillé, en représailles à l’engagement des Ribeaupierre en faveur des Habsbourg. Mais il ne parvient pas à s’emparer de la ville qui résiste vaillamment, par dépit il fait brûler toutes les maisons hors des murs. Anselme tombe néanmoins aux mains des troupes impériales et ne doit son salut qu’à l’intercession de quelques nobles alsaciens. Il est enfermé pendant quatre ans dans un cachot du château d’Achalm en Souabe. C’est vraisemblablement en mémoire de sa délivrance qu’il fait construire la troisième chapelle.
 

 Dusenbach, 3e chapelle de 1297

1297 : Henri II de Ribeaupierre donne le droit aux habitants de participer aux décisions qui concernent la ville. Les seigneurs assouplissent progressivement les règles communales, mais à moindre degré que dans les villes impériales. On voit apparaître dès 1297 des bourgeois reconnus par le seigneur et propriétaires de biens.

Chacun des quartiers est séparé par une tour avec pont-levis servant de porte de communication entre eux (seule la Tour des Bouchers subsiste encore). Ces murs isolent chacun des quartiers et en font ainsi autant de cités distinctes, ce qui facilite les partages de la ville entre les différents héritiers du fief (le premier partage eu lieu en 1297 par tirage au sort pour régler un problème de succession). L’empereur autorise une remise temporaire sur les contributions dues à l’empire. Mais, par la suite, les frais de construction sont couverts au moyen de taxes extraordinaires et de corvées faites par tous ceux qui ont quelque intérêt engagé dans la nouvelle cité.

Le sire Henri II de Ribeaupierre fait venir les Augustins en avril 1297 pour palier une carence du culte divin de la part du clergé séculier. Le seigneur leur céde une demeure cossue avec cour, près des remparts et des halles, dans la vieille ville.

Ribeauvillé est alors nommé Rapolzwilr.

1298 : la Niderstadt (ville basse) et la Nuwestadt (ville moyenne ou ville neuve) sont fortifiées à leur tour.

Une clause de partage déclare indivis entre les deux seigneurs de la ville (le troisième lot était constitué du château du Honack et des terres environnantes) les droits de marché perçus sur les marchands de la ville et les jours de foires et marchés. Cette clause fut modifiée par un acte daté du 3 juillet 1302 stipulant que les deux seigneurs, Anselme et Henri II, partagent les droits à percevoir sur les marchands, sauf les amendes qui resteront indivises ; par exemple, Henri II perçoit les taxes des marchands de vêtements et plus généralement de ce qu’on mesure à l’aune, les menuisiers, cordiers, ferblantiers, couteliers, bouchers, tanneurs, marchands de légumes et de semences ainsi que les marchands de bois. A Anselme les taxes sur les autres transactions.

Lorsqu’il revint sur le trône cette année-là, Albert de Habsbourg récompensa Anselme pour s’être érigé en fervent défenseur des Habsbourg contre Adolphe de Nassau. L’empereur fit deux visites à Ribeauvillé en mars 1300 et en mai 1302 avec toute sa cour.
 
   
  
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                                                                                       ... à suivre ...
Sources :
Bernard Bernhard, Recherches sur l’histoire de la ville de Ribeauvillé –– Colmar, 1888.
Maurice Grévisse, Le bon usage – grammaire française – Paris, 1949
Bernard Schwach, Les Ribeaupierre dans leur environnement géopolitique Cahiers d’histoire (n°1, 2, 3, 6) publiés par le Cercle en 2008 et 2010.
Fonds documentaire du Cercle.
 
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